Pour respecter les engagements de la Stratégie Nationale Bas Carbone que la France s’est fixés, nos émissions annuelles de carbone devraient être ramenées de 10 tonnes aujourd’hui à 2 tonnes en 2050. Et l’effort à faire sur le transport est encore plus drastique : il lui faudrait passer de 3 tonnes à presque plus rien !
Pour atteindre cet objectif, les politiques menées par le gouvernement misent essentiellement sur l’innovation technologique, avec l’augmentation de l’efficacité des moteurs ou le passage à l’électrique et sur la lutte contre l’autosolisme, grâce au développement des transports collectifs ou encore du co-voiturage. Force est de constater que ces politiques ne parviennent pas à mettre sous contrôle les émissions liées au transport qui, avec la croissance du volume de déplacements, continuent inexorablement d’augmenter. Pourtant, on pourrait s’appuyer sur le désir des Français, et cela avant même la crise sanitaire, de ralentir leur rythme de vie et de vivre, travailler et se divertir à proximité de leur domicile. Cela permettrait de réduire les distances à parcourir au quotidien au bénéfice des modes actifs, marche et vélo. Autrement dit, d’éviter de se déplacer de façon motorisée, levier le plus efficace pour réduire les émissions.
Comment faire advenir des modes de vie en plus grande proximité, c’est le sujet exploré minutieusement par un collectif d’étudiants de la Sorbonne à la demande du Forum Vies Mobiles. Leurs propositions argumentées pourraient utilement venir nourrir la « planification écologique » désormais reprise dans tous les programmes des candidats aux législatives.
La vie en proximité : une idée dans l’air du temps mais qui ne se traduit pas concrètement
Si les élus et les techniciens parlent de plus en plus de proximité, leurs politiques en la matière sont diverses : renforcement des liens sociaux, densification des constructions de logements pour lutter contre l’étalement urbain et l’allongement des distances, concentration des emplois et des services dans les centres-villes… Autant de politiques dont les résultats sont médiocres en matière de vie en proximité si elles ne visent pas également à apporter aux habitants les services essentiels à leur vie quotidienne et si elles négligent les nombreuses personnes qui vivent dans des territoires périurbains et ruraux.
En réalité, depuis les années 1990, il est surtout question de densifier l’habitat et l’offre commerciale autour des gares et d’améliorer la desserte en transports collectifs des autres espaces, pour permettre d’accéder rapidement aux différentes zones d’activité, d’habitat, de commerces ou encore de loisirs sans avoir besoin de recourir à la voiture particulière. Loin de favoriser la réduction des distances dans la vie quotidienne, cette politique permet et incite de fait à parcourir des distances quotidiennes toujours plus grandes.
Plus récemment, les politiques nationales comme le programme Action Cœur de Ville ou le Plan Petites Villes de Demain, qui, elles aussi, affichent un objectif de proximité, restent malheureusement focalisées sur les centres-villes sans que soient abordés leurs liens avec les espaces moins denses qui les entourent, autrement dit, sans vision systémique de l’occupation de l’espace.
La réduction des distances à parcourir au quotidien, qui passerait par le développement local d’une offre des services privés et publics, est rarement recherchée explicitement.
Le cas nantais : des objectifs exemplaires mais une mise en œuvre défaillante
Sur le territoire nantais toutefois, l’objectif de proximité est présent dans divers documents de planification. Sont évoqués les objectifs « de favoriser la proximité des services du quotidien à dix minutes à pied et cinq minutes à vélo dans les centralités » (notion de « ville du quart d’heure »), de « concevoir des villes où il est possible de se loger, de travailler, d’accéder à la formation et aux loisirs, sans avoir à se déplacer ni trop loin, ni trop longtemps » ou de réduire « la portée des déplacements ».
Mais ces politiques s’avèrent le plus souvent de portée limitée, que ce soit du fait d’orientations peu prescriptives, de l’absence d’une évaluation systématique, notamment en termes de réduction effective des distances à parcourir pour vivre au quotidien, du manque de techniciens formés à l’urbanisme ou encore à défaut d’une bonne coordination entre les acteurs des différentes échelles, sans compter une organisation en silo qui empêche la vision transversale nécessaire à la réorganisation des déplacements.
Les intérêts politiques divergents des différents acteurs locaux constituent un frein supplémentaire. Si au cœur de la métropole, l’accent est bien mis sur l’arrêt de l’extension urbaine, les élus des territoires moins denses sont réticents à contraindre leur développement. Et dans les intercommunalités rurales, il peut exister des tensions entre les petites communes et la commune centre, les premières souhaitant une répartition des équipements et des services publics dans les différentes communes de l’intercommunalité et la seconde se positionnant plutôt en faveur d’une centralisation des services et des équipements en son sein.
Enfin, la baisse des dotations aux collectivités depuis la crise économique de la fin des années 2000 a limité leurs moyens d’action.
Quelle politique mener pour réellement pouvoir vivre à proximité de son domicile ?
En considérant comme essentiels 4 commerces (alimentation générale, boulangerie, buraliste, café/restaurant), 4 services (médecin, pharmacie, banque, maison France Services) et 4 équipements (crèche, école, bibliothèque/médiathèque, parc) pour permettre de vivre localement, les étudiants ont formulé une série de propositions concrètes :
– Imposer la notation des logements en fonction de leur proximité aux équipements et services, pour éclairer les choix résidentiels des habitants et conditionner la délivrance des permis de construire
– Ne permettre l’installation des entreprises que dans les espaces déjà desservis par les transports collectifs et accessibles en modes actifs (marche et vélo)
– Diminuer la TVA sur les aliments produits et distribués localement
– Développer les services itinérants de santé et de commerce ainsi que des collections des musées
– Réduire progressivement la vitesse en agglomération et hors agglomération d’ici à 2050
– Aider l’implantation des commerces dans les centres-villes en difficulté et y interdire la transformation des rez-de-chaussée en logements
Ces propositions amènent à imaginer de nouveaux droits : « droit aux services publics » permettant de s’opposer à leur fermeture, sorte de « bouclier périurbain et rural » déjà défendu par certains élus, ou « droit aux espaces verts » en ville, pour garantir à chacun l’accès à des îlots de fraîcheur.
« Alors que l’aspiration à vivre en proximité qui ressort clairement de nos enquêtes pourrait concourir à la transition écologique, ces propositions préfigurent la voie à suivre pour – enfin – parvenir à réduire les kilomètres parcourus au quotidien », indique Christophe Gay, co-directeur du Forum Vies Mobiles.
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